Le 29 avril, sur le site web de Politis, une tribune signée par « plus de 800 collectifs et personnalités politiques, artistiques, militantes et intellectuelles » et intitulée « Attaques contre les droits trans et reproductifs : n’attendons plus, faisons front ! » a été publiée.
Le titre annonce la couleur. Les « droits trans » sont immédiatement rattachés aux « droits reproductifs ». Stratégie classique des prosélytes de l’église Trans : associer leurs revendications à d’autres luttes, à d’autres combats pour d’autres droits. Seules, leurs idées paraîtraient bien trop absurdes. Insérées dans un mille-feuille argumentatif (moisissure rhétorique courante), elles semblent acceptables et même très justes aux yeux des profanes. Les propagandistes trans s’efforcent donc de greffer les revendications transidentitaires à d’autres revendications très consensuelles et établies de longue date à gauche, comme le droit à l’avortement.
On pourrait parler de stratégie du coucou. Le coucou est célèbre pour la manière dont il parasite d’autres espèces d’oiseaux en pondant ses œufs dans leurs nids. Lorsque la mère de l’espèce parasitée revient à son nid, elle ne se doute de rien, car les œufs de la femelle du coucou imitent la coloration et la taille des œufs de l’hôte. Ainsi, la femelle de l’espèce hôte se met à couver cet œuf intrus avec les siens.
Les idéologues trans pondent leurs idées dans les nids des gens de gauche et leur donnent l’apparence d’idées de gauche. Sauf qu’en vérité, sous le vernis rhétorique, les idées trans constituent un vaste non-sens sexiste et homophobe. Il est consternant qu’autant de gens aient été convaincus de signer une tribune en faveur d’un système de croyances qui prétend que l’on peut naître dans le mauvais corps, que l’esprit et le corps font deux, que l’esprit peut être en « incongruence » avec le corps, et qu’il est souhaitable de médicaliser à vie et de mutiler chirurgicalement les enfants qui ne se conforment pas aux stéréotypes socialement assignés à leur sexe, afin de prétendre qu’ils appartiennent à l’autre sexe.
Mais revenons-en à la tribune de Politis. On y lit par exemple : « aux États-Unis, le Parti Républicain a interdit l’avortement dans 14 états sous son contrôle et en parallèle a interdit toute transition pour les personnes trans mineures dans 23 états ». Et, plus loin : « Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche fait planer la menace des restrictions fédérales de l’IVG et des droits trans aux États-Unis. Et en Russie, l’État de Poutine a interdit toute transition médicale et administrative pour les personnes trans avant de déclarer la communauté LGBT comme “extrémiste”. Ce même gouvernement menace d’arrêter le remboursement des avortements dans l’hôpital public, d’interdire l’avortement dans les cliniques privées et s’attaque actuellement à la contraception. »
Ces passages comprennent au moins deux sophismes, deux procédés manipulatoires.
D’abord, ces affirmations visent à lier, dans l’esprit de celle ou celui qui les lit, le combat contre le droit d’avorter à l’opposition au phénomène trans. Il s’agit de suggérer que celles et ceux qui s’opposent au phénomène trans s’opposent également à l’avortement. Or il n’existe pas de lien de nécessité entre opposition à l’avortement et opposition au phénomène trans. Toutes les personnes qui s’opposent au phénomène trans ne s’opposent pas à l’avortement (et inversement). Mais les auteurs de la tribune passent évidemment sous silence (entre autres) l’existence et les arguments des personnes qui s’opposent au phénomène trans ET qui militent également en faveur du droit d’avorter.
En outre, ces passages et ce genre de tribune reposent sur le sophisme suivant : l’extrême droite s’oppose au phénomène trans (exact), or l’extrême droite est un camp politique immonde, qui défend des idées horribles (exact), donc le phénomène trans et les revendications trans sont justes et doivent être défendues (inexact). Il s’agit d’un faux syllogisme classique, qu’on peut représenter comme suit :
A. L’extrême droite est un camp politique immonde, qui défend des idées horribles et s’oppose à des choses justes.
B. Or l’extrême droite s’oppose aux revendications transidentitaires,
C. C’est donc que ces revendications sont justes.
Ce faux syllogisme correspond au fameux :
A. Tous les chats sont mortels.
B. Or Socrate est mortel.
C. Donc Socrate est un chat.
Dans le cas qui nous concerne (pas Socrate et les chats, donc), ce faux syllogisme repose sur le sophisme de la généralisation abusive. Il suppose en effet que TOUT ce à quoi l’extrême droite s’oppose est nécessairement vertueux. Il s’agit en quelque sorte d’un procédé rhétorique qui se fonde sur un pur esprit de contradiction. Plutôt que de défendre leurs idées en les exposant clairement, avec des arguments rationnels, les auteurs de la tribune et les prosélytes trans en général se contentent de souligner que des gens horribles s’opposent à leurs revendications, ce qui, selon eux, signifie que leurs revendications sont justes.
Des ordures de droite utilisent souvent ce genre de sophisme à divers escients. Un Luc Ferry, par exemple, dénigre l’écologie en soulignant que les nazis avaient des préoccupations écologistes (ce qui constitue une simplification de la réalité). L’idée est la suivante : les nazis avaient des préoccupations écologistes, donc l’écologie est un truc de nazis. Cette imbécilité n’est pas moins stupide que : l’extrême droite s’oppose aux revendications trans, donc les revendications trans sont géniales.
Bref. Une tribune lamentable de plus de la part des gens qui prétendent appartenir au camp du bien, des justes, des bons, des gentils, des honnêtes. S’ils étaient réellement honnêtes, ils inviteraient celles et ceux qui les lisent à se renseigner, à explorer en profondeur les tenants et aboutissants du phénomène trans, en lisant les arguments des différents camps politiques qui s’expriment à ce sujet. Et notamment les arguments que présentent les féministes de gauche qui s’opposent aux revendications transidentitaires. Mais OULA NON. Tout sauf ça ! Réfléchir ? Certainement pas ! Plutôt enfiler les sophismes et les slogans cons !
P.S. : La liste de revendications qui conclut la tribune illustre à merveille la stratégie du coucou qu’emploient les prosélytes du mouvement trans, qui sont aussi souvent des partisans de la PMA (et de la GPA, entre autres) :
« Nous réclamons :
· Une transition dépsychiatrisée, libre et gratuite pour les personnes majeures et mineures.
· L’accès à la PMA pour toutes les personnes trans.
· L’arrêt des mutilations sur les enfants intersexes.
· Des moyens massifs pour les services publics afin d’assurer l’accès réel à l’IVG, aux transitions et à la contraception.
· Une éducation aux questions de genre et de sexualité prise en charge par les travailleurs-es de l’éducation, de la santé. »
PMA, « transitions » (médicales et/ou chirurgicales), mutilations des enfants intersexes, IVG, contraception, toutes ces choses très disparates sont amalgamées dans un fourre-tout revendicatoire sans la moindre justification, la moindre explication.
Dans cette tribune comme ailleurs, ces gens s’efforcent donc, en gros, de faire deux choses :
- Caricaturer ou occulter sciemment les positions et les arguments de toutes celles et ceux qui s’opposent à certaines de leurs revendications.
- Justifier ces revendications non pas en recourant à des arguments ou des explications honnêtes, mais uniquement en invoquant le fait que certaines personnes dont les opinions politiques sont par ailleurs déplorables s’y opposent.
De bien beaux escrocs.
Merci pour cette analyse. J'en ai fait une traduction ici : https://aurorepe.substack.com/p/la-estrategia-del-cuco. Oui, ce sont des escrocs.