Andrea Long Chu, le New York Magazine et le naufrage de la gauche contemporaine
Franchir un cap dans la célébration d'abrutis irresponsables
Andrea (autrefois Andrew) Long Chu (que j’abrègerai par ALC), homme qui se dit « femme » ou « femme trans », est un journaliste du prestigieux New York Magazine qui a reçu un prix Pulitzer en 2023.
Chu est l’auteur d’un livre intitulé Females, sorti en 2019 en anglais et paru en français en 2021 sous le titre Femelles, dans lequel il écrit :
« Le porno sissy m’a rendu trans. »
Qu’est-ce donc que le « porno sissy » ?
Il s’agit d’une sous-catégorie de « porno transgenre » qui a récemment émergé et gagné en popularité. On parle aussi de « sissy hypno » — abréviation de « sissification hypnosis » (« hypnose sissifiante »). Ce type de pornographie, destiné aux hommes, se retrouve en ligne sous trois formes principales : vidéos pornographiques, fichiers audio et images avec texte. Le terme « sissy », qui était à la base un diminutif du mot anglais « sister » signifiant « soeur », est aujourd’hui un terme péjoratif, homophobe et misogyne, qui désigne un garçon ou un homme efféminé, un peu comme « fillette ». L’expression anglaise « sissy porn » pourrait être traduite par « porno de fillette », et l’expression « sissification pornography » par « pornographie de fillettisation ».
Comme l’explique la journaliste Genevieve Gluck :
« cette pornographie met généralement en scène des hommes portant de la lingerie et se livrant à une “féminisation forcée” : il s’agit d’une érotisation de l’idée de “devenir une femme” par l’habillement, le maquillage et la soumission sexuelle, et d’une fétichisation de l’humiliation qui en résulte. Bien que l’expression sissy hypno semble n’avoir gagné en popularité que récemment — et de manière significative depuis 2016 selon les données de recherche Google — il existe déjà plusieurs sites internet dédiés à ce type de porno, notamment sissytube.net, sissy.tube et hypnotube.com. »
Dans son livre Females, ALC écrit aussi :
« L’idée maîtresse du porno sissy, c’est que les femmes qu’il dépeint sont en fait d’anciens hommes ayant été féminisés (sissified) en étant forcés de se maquiller, de porter de la lingerie et d’accomplir des actes de soumission sexuelle. Les indications textuelles signalent en outre aux spectateurs que le simple fait de regarder du porno sissy constitue en lui-même un acte de dégradation sexuelle, ce qui implique que les spectateurs, qu’ils le veuillent ou non, seront inévitablement transformés en femmes. Cela fait du porno sissy une sorte de métapornographie, c’est-à-dire un porno sur ce qui vous arrive quand vous regardez du porno. Au centre du porno sissy se trouve le trou du cul, une sorte de vagin universel par lequel on peut toujours accéder au fait d’être femelle (femaleness). Se faire baiser fait de vous une femme, parce que baisée (fucked), c’est ce qu’est une femme. »
Ailleurs, ALC écrit :
« La vérité, c’est que je n’ai jamais pu faire la différence entre aimer les femmes et vouloir leur ressembler […] J’ai transitionné pour les ragots et les compliments, le rouge à lèvres et le mascara […] pour les sex toys, pour me sentir sexy, pour me faire draguer par des butch, pour cette connaissance secrète des gouines dont il faut se méfier, pour les mini-shorts, les hauts de bikini et toutes les robes, et, mon dieu, pour les seins. » (Il souligne.)
Et voici un extrait d’une interview d’ALC enregistrée le 2 novembre 2018 dans le cadre d’un projet co-dirigé par la bibliothèque publique de New York :
« Quand vous commencez à regarder beaucoup de porno, vous tombez un peu dans une sorte de terrier de lapin. Avec le temps, il y a eu cette progression, d’une pornographie grand public banale vers des vidéos JOI. C’est amusant que je sois en train de décrire ma consommation de porno à la bibliothèque publique de New York. JOI, ça veut dire “Jerk Off Instructions” (instructions pour éjaculer), et donc une femme vous dit quoi faire, en brisant le quatrième mur. Et donc j’ai suivi une voie d’humiliation jusqu’à tomber sur une chose dont je ne connaissais pas le nom à l’époque, jusqu’à ce que je tombe sur du porno sissy — à propos duquel j’ai écrit — qui implique beaucoup de femmes trans, enfin, il s’agit de porno de féminisation forcée, qui implique des femmes trans ou des gens — comme des femmes cis — qu’on imagine comme des femmes trans.
[…] et donc, c’était très dérangeant, en partie à cause du vocabulaire […] de lavage de cerveau et d’asservissement, et toutes sortes de formes de non consentement. Le porno sissy, c’est le pire cauchemar d’une féministe radicale. Et donc ça a commencé.
[…] je me mettais au lit aux côtés de ma petite copine, on éteignait et on se couchait. Et puis j’allais dans la salle de bain regarder du porno sissy, parce qu’une fois que j’étais tombé dessus, c’était la seule chose que je voulais regarder. Quand j’essayais de regarder autre chose, je retombais toujours sur du porno sissy ou quelque chose de ce genre sur TumblR. C’était comme si mon addiction au porno attendait depuis toujours le porno sissy. En partie, comme je le réalise rétrospectivement, parce que tout ça visait à me faire accéder à un genre de sexualité qui ne reposait pas sur le fait d’être un homme. Mais aussi parce que le porno sissy thématise directement l'addiction à la pornographie. Le porno sissy s’adresse au spectateur et lui dit des choses comme “oh, espèce de fillette homo, tu regardes du porno sissy, mets ça dans ton cul”. Ça vous invite à imaginer, invite est un mot trop doux, ça vous impose d’imaginer une expérience porno qui vous change en femme. C’est pas juste que vous regardez une personne être changée en femme, mais c’est que l’acte de regarder vous change en femme. Et ça a duré genre, deux ans. »
ALC est loin d’être le seul homme à avoir décidé de se dire « femme » ou « femme trans » à cause de sa consommation de pornographie. Dans une émission de télévision diffusée en août 2019 sur la chaîne de la National Academy of Television Arts and Sciences, et coproduite par Walt Disney Television, Lilly (ex-« Andy ») Wachowski, célèbre co-réalisateur de la série de films Matrix, explique que ce qui l’a notablement influencé dans sa décision de devenir une « femme transgenre », c’est de regarder du « porno transgenre » :
Comme le souligne la journaliste féministe Genevieve Gluck, le porno joue un rôle majeur dans l’essor du mouvement trans.
Tout ça n’est-il pas merveilleux ?
Certes. Mais il y a mieux.
Tout récemment, en mars 2024, un texte de Chu, intitulé « La liberté de sexe », a fait la une du prestigieux New York Magazine (voir ci-dessus). Le texte a pour sous-titre « Un plaidoyer moral en faveur du fait de laisser les enfants trans altérer leur corps ». En voici l’idée principale :
« Nous devons être prêts à défendre l'idée qu'en principe, tout le monde devrait avoir accès à des traitements médicaux de changement de sexe, indépendamment de l'âge, de l'identité de genre, de l'environnement social ou des antécédents psychiatriques. »
En poussant légèrement plus loin la « logique » de Chu, on arrive à la conclusion que n’importe qui devrait être autorisé à subir n’importe quel type d’opération chirurgicale pour n’importe quelle raison. Ce qui ferait sans doute très plaisir aux apotemnophiles (les personnes atteintes d’un « fort désir spécifique de subir l'amputation d'un ou plusieurs membres » en bon état de leur corps).
Je veux quelque chose, donc on doit me le fournir. Plus libertarien, tu meurs. Dans la présente civilisation industrielle, il s’agit d’une recette pour commettre toutes sortes d’ignominies, d’atrocités, de mutilations. Mais ALC se fiche des conséquences. Comme il le reconnaît lui-même dans un article publié dans le New York Times : « Je n'étais pas suicidaire avant les hormones. Maintenant, je le suis souvent. » Pour lui, le fait que les traitements médicaux et/ou chirurgicaux puissent causer divers dommages physiques et/ou mentaux ne constitue pas une raison pour imposer la moindre restriction à la réalisation de ces désirs. « Il n'est pas nécessaire que la transition me rende heureux pour que je la veuille », ajoute-t-il dans le même article. « Laissés à eux-mêmes, les gens recherchent rarement ce qui leur permet de se sentir bien à long terme. » Derrière le militantisme trans d’ALC, une rhétorique profondément nihiliste et affranchie de toute rationalité.
À ce stade, il importe de rappeler deux choses. La première, c’est qu’il n’y a pas d’« enfants trans ». Il y a seulement des enfants confus, qui se disent ainsi parce qu’ils ont été embrigadés par un système de croyances irrationnel dont ils ne perçoivent pas l’irrationalité. Un système de croyances notamment fondé 1. sur l’idée dualiste (et irrationnelle) selon laquelle corps et esprit font deux, selon laquelle il serait donc possible de « naître dans le mauvais corps » ; et 2. sur l’idée normative, sexiste et irrationnelle selon laquelle à un type de corps sexué devrait correspondre un type d’esprit, un type d’« identité de genre », c’est-à-dire un ensemble de goûts, d’attitudes, de préférences, d’attirances, un type de personnalité, en fait. C’est ce qui explique qu’on parle ensuite de « dysphorie de genre », ou d’« incongruence de genre », de « transition », que des individus disent ou s’imaginent être « nés dans le mauvais corps », etc.
Dans un livre récemment publié, une journaliste de la BBC montre que 97,5 % des jeunes traité·es à la clinique Tavistock de Londres, dédiée aux problèmes d’« identité de genre », souffraient « d’autisme, de dépression ou d’autres problèmes susceptibles d’expliquer leur mal-être ». D’autres études vont dans ce sens et montrent que 43 à 75 % des adolescent·es souffrant de « dysphorie de genre » présentent au moins un type de comorbidité psychiatrique. Les plus courants étant les troubles anxieux, les troubles de l’humeur, la dépression, les troubles de l’alimentation, les troubles du spectre autistique, les troubles dissociatifs de l’identité, la toxicomanie ou encore les traumatismes infantiles. Et la majorité d’entre elles et eux sont homosexuel·les.
Autrement dit, le fait d’« affirmer » leur « transidentité » par le biais de traitements chimiques et chirurgicaux correspond à une médicalisation inutile et même hautement nuisible de jeunes homosexuel·les souffrant de problèmes psychiatriques et/ou qui auraient autrement fini par accepter leur homosexualité — mais qui, au lieu de ça, se retrouvent artificiellement convertis en hétérosexuels par le biais de la « transition de genre ». Des employé·es du service dédié à l’« identité de genre » de la clinique Tavistock au Royaume-Uni ont reconnu avoir eu l’impression de convertir de jeunes personnes homosexuelles en personnes hétérosexuelles.
La seconde chose qu’il faut rappeler, c’est qu’aucun être humain n’a jamais changé de sexe — au sens propre. Le sexe, chez l’être humain, est immuable. Un certain nombre d’espèces animales changent ou peuvent changer de sexe au cours de leur existence. On parle alors d’hermaphrodisme successif (ou séquentiel). Dans le cas d’animaux qui sont d’abord mâles, puis deviennent femelles, on parle de protérandrie (ou de protandrie) ; d’abord femelles, puis deviennent mâles, on parle de protérogynie (ou de protogynie). Les poissons-clowns, plusieurs espèces de mérous, le labre californien et d’autres espèces de labres ou encore la girelle à tête bleue sont quelques exemples d’animaux qui peuvent changer de sexe au cours de leur existence. L’être humain ne le peut pas.
Tout ce que les chirurgies peuvent faire, c’est changer l’apparence du corps d’un individu pour tenter de lui conférer l’apparence d’un corps de l’autre sexe. Dans le livre que j’ai co-écrit avec Audrey sur le phénomène trans, nous consacrons un chapitre aux conséquences, souvent dramatiques, qu’ont ces opérations improprement dites « de changement de sexe », vaginoplastie, phalloplastie, double mastectomie, etc. Il s’agit sans doute du chapitre le plus dur à lire de notre ouvrage.
Prenons juste la vaginoplastie. La chirurgienne Sarra Cristofari conclut dans une étude que la « vaginoplastie » est « presque toujours suivie de complications, qu’elles soient de nature hémorragique, esthétique ou fonctionnelle ». Parmi ces complications, une « plaie rectale » (rare) ; des « hémorragies du site opératoire » (fréquentes) « imputables aux saignements itératifs des reliquats de corps spongieux derrière la muqueuse urétrale et autour du méat urinaire, malgré l’hémostase peropératoire » ; une « fièvre associée à un écoulement vaginal purulent » liée à une « infection vaginale » ou à « une infection urinaire type prostatite » ; etc.
Comme l’explique le plus célèbre établissement spécialisé en chirurgies d’« affirmation de genre » du Canada, la clinique GrS Montréal, qui appartient au Complexe Chirurgical CMC (Centre métropolitain de chirurgie) : « Il est important de savoir que les dilatations […] seront nécessaires pour le restant de votre vie, car sans dilatation la cavité [pseudo] vaginale se refermera. Les dilatations [représentent] l’un des soins les plus importants après la chirurgie. »
Autrement dit, la vaginoplastie résulte en une plaie ouverte qu’il faut s’efforcer de garder ouverte.
Mais vous n’avez pas à nous croire sur parole. Croyez-en Andrea Long Chu. Sous la publication sur Twitter/X dans laquelle il présentait son texte nouvellement publié dans le New York Magazine, ALC avait publié un autre message dans lequel il en appelait à la générosité du public pour contribuer à la levée de fonds organisée par un de ses amis (« mon bon ami Theo »).
Une levée de fonds pour quoi faire ? Pour financer des opérations chirurgicales visant à soulager Theo, qui, « après avoir subi des complications » à la suite d'une opération chirurgicale de « changement de genre » qui lui semblait « désespérément nécessaire l'année dernière », éprouve « beaucoup de douleur et d'inconfort ».
Promouvoir des chirurgies dangereuses, inutiles, effectuées pour des motifs absurdes (mais pour ALC, « l’origine de ce désir » de subir ces chirurgies « n'a pas d'importance »), et juste en dessous demander des thunes pour réparer les dégâts qu’une de ces chirurgies a infligés à une personne qu’il connait, il fallait oser.
ALC n’a pas osé très longtemps. Entre-temps, il a supprimé ce tweet dans lequel il demandait aux gens de contribuer à la cagnotte de son ami(e ?).
Et puis il y a les effets de la prise d’hormones de synthèse à long terme : altération de la tessiture de la voix, de la pilosité, problèmes au foie, problèmes de maturation du cerveau, sévère augmentation du risque de contracter des maladies cardiovasculaires, problèmes osseux, détérioration des organes génitaux, etc.
Je m’arrêterai ici.
Manifestement, ALC est un imbécile irresponsable.
Mais la chose la plus dérangeante, dans toute cette histoire, c’est que ce type horrible, accro au porno (et à une forme particulièrement ignoble de porno), qui raconte n’importe quoi, est promu en une d’un des plus prestigieux magazines — de gauche — du capitalisme contemporain.
N’est-ce pas un signe que nous avons franchi un cap dans les progrès de la démence induite par le mode de vie hors-sol du capitalisme techno-industriel ?
« Imbécile irresponsable » est un brave euphémisme. ALC est dans mon top 10 des mecs célèbres les plus toxiques et dangereux. Et ne comptez pas sur moi pour l’appeler madame…. Merci Audrey et Nicolas pour votre travail ie vos substacks et votre livre qui permet aux francophones de comprendre ce culte extrêmement néfaste 💜💜
makes a mockery of the “award” - given accolades for what ? Concepts which debase women’s sexed bodies and OUR vaginas calling em “fk holes” …. cosplay misogeny