Comprendre le « genre » grâce au nouveau livre de Judith Butler
Vous verrez, c'est très simple.
Un nouveau livre de sa majesté Judith Butler — doyenne du mouvement queer, idole des idéologues trans et papesse du « genre » — est paru hier, le 19 mars 2024, sous le titre Who's Afraid of Gender?, soit « Qui a peur du genre ? », chez Macmillan Publishers Ltd, une maison d’édition qui appartient depuis 1995 au groupe Holtzbrinck, un des dix plus grands groupes éditoriaux mondiaux (qui publie aussi le quotidien allemand Die Zeit ou la revue scientifique Nature).
Le groupe Holtzbrinck a été fondé en 1948 par Georg von Holtzbrinck (1909-1983), qui a rallié l’Union des étudiants nationaux-socialistes allemands en 1931 puis le Parti national-socialiste des travailleurs allemands en 1933.
Judith Butler a donc publié son dernier livre, dans lequel elle accuse tout le monde et n’importe qui d’appartenir à une vaste mouvance fasciste, chez un groupe éditorial littéralement fondé par un ancien nazi.
Passons.
Judith Butler sort donc un nouvel ouvrage sur le genre. Mais de quoi s’agit-il, au juste ? Qu’est-ce que ce « genre » dont parle Butler ? Afin de répondre à cette question, la meilleure chose à faire consiste sans doute à laisser la parole à l’éminente professeure de rhétorique et de littérature comparée à l'université de Californie à Berkeley. J’ai donc tenté d’extraire de son livre tous les passages où elle exprime sa conception du « genre » :
« Le genre fait partie du féminisme depuis de nombreuses décennies. Lorsque les féministes posent la question “Qu'est-ce qu'une femme ?”, elles reconnaissent d'emblée que la signification de cette catégorie reste incertaine, voire énigmatique. Le genre est au minimum la rubrique sous laquelle nous considérons les changements dans la manière dont les hommes, les femmes et d'autres catégories de ce type ont été compris. »
« Habiter un genre, c'est vivre une certaine complexité historique qui est devenue possible pour les vies que nous menons aujourd'hui. »
« Le genre s'accompagne de la vulnérabilité, de la pénétrabilité, de l'action, de la dépendance, de la maladie, de la reconnaissance sociale, des besoins fondamentaux, de la honte, de la passion, de la sexualité et de conditions variables de vie et de vitalité. »
« Ce processus itérable ouvre des possibilités de révision et de refus, ce qui explique pourquoi le genre a une temporalité propre et pourquoi nous ne pouvons pas bien comprendre le genre sans le comprendre comme étant historiquement formé et révisable. »
« Nous n'échappons pas aux impressions précoces qui animent notre désir et qui rendent le monde des adultes, y compris ses interpellations genrées, énigmatique. »
« Considéré de manière plus large, le genre désigne le dilemme suivant : comment associer les catégories sociales et les formes d'incarnation vécues - par quels moyens et avec quelle force ? »
« En contraste, j'espère montrer comment les différents paradigmes scientifiques permettent de penser le genre comme un spectre ou une mosaïque, une complexité vivante qui mérite d'être affirmée. »
« Peut-être notre tâche consiste-t-elle à ralentir l'ensemble du débat public, à revenir sur ce que nous pensons entendre par “genre” et sur les raisons qui nous poussent à cela. »
« S'il est impératif de défendre les domaines d'étude qui utilisent le genre comme terme décrivant l'identité, les formes sociales de pouvoir et les formes différentielles de violence, nous devons continuer à réfléchir à ce que nous entendons par là et à ce que les autres entendent lorsqu'ils s'insurgent contre ce terme. »
« Les catégories de genre précèdent et dépassent nos vies individuelles. »
« Cependant, lorsqu'on nous donne un nom de genre, nous entrons dans une catégorie de personnes ainsi nommées, et si nous nous rebaptisons, nous entrons dans une autre catégorie dont personne ne possède l'histoire individuellement. »
« En termes simples, le genre nomme l'incommensurabilité potentielle des corps avec leurs catégories. »
« (...) le genre est lié à un sens intime de l'expérience corporelle vécue, à un sens de l'identité, aux contours incarnés d'un moi et, pour certains, au sens d'une ancre qui maintient l'architecture de l'ego. »
« Peut-être que certains vivent le genre comme immuable, et c'est certainement acceptable. Mais tirer de cette expérience une généralisation théorique, voire une règle universelle, c'est imposer une cruelle fausseté à ceux qui vivent le genre différemment. »
À ce stade, votre vision s’est éclaircie. La prose limpide de Butler a dissipé tous vos doutes, toutes vos interrogations. Le genre vous apparaît désormais dans toute sa féroce clarté.
Ne me remerciez pas. Tout le plaisir est pour moi.
Plus sérieusement, le livre de Butler est une mauvaise blague de bout en bout. Il contient plus de malhonnêtetés que de mots. Son incapacité à définir ne serait-ce qu’avec une précision et une cohérence minimes ce qu’elle entend par « genre » est une honte. Butler reproche à toutes sortes de gens, parfois à raison, d’assimiler le concept de « genre » à tout et n’importe quoi. Mais elle est incapable de fournir une définition passable du terme, qu’elle défend pourtant avec insistance. Le genre est effectivement effrayant. Nous avons toutes et tous de bonnes raisons d’en avoir peur. De gauche à droite, de Judith Butler au Pape, toutes sortes de groupes humains s’affrontent autour d’un mot employé n’importe comment, selon une foultitude d’acceptions différentes et contradictoires.
Voilà pourquoi je disais, ailleurs, qu’« au vu de l’état calamiteux du débat public, de la confusion ambiante du discours, nous ferions peut-être mieux d’arrêter d’employer le mot “genre” et d’utiliser à la place des termes permettant de désigner de manière plus précise ce que nous souhaitons exprimer (ce qui nous ferait peut-être réaliser que certaines de nos idées sont bien moins claires que nous ne le pensions, et nous obligerait à affiner notre pensée) ».
En effet, c’est limpide 😁