Je me suis farci ce livre de Laurent Obertone, co-fondateur des éditions Magnus (qui viennent de publier Transmania de Marguerite Stern et Dora Moutot), et figure de l’extrême droite française. C’était comme attendu : ridicule, pénible, assez peu instructif. Heureusement, c'était court. J’étais curieux de voir où en est l’extrême droite française. En gros rien ne change. Dans ses 280 pages (qui auraient pu en faire la moitié si les éditeurs se souciaient d’économiser du papier), Obertone s’emploie à naturaliser le patriarcat (la subordination des femmes aux hommes, l’exploitation des femmes par les hommes), le capitalisme et la civilisation, en invoquant (parfois) la science à l’appui de ses prétentions.
Selon lui, les hommes sont naturellement – biologiquement et irrémédiablement – agressifs, compétiteurs, dominateurs, et plus intelligents que les femmes. Les femmes sont naturellement – biologiquement et irrémédiablement – vouées à la subordination, à l’entretien du foyer au service de l’homme et de sa « virilité », virilité dont elles doivent prendre soin et qu’elles doivent chérir puisqu’elle représente le « combat pour la survie, pour la civilisation », que livre l’homme. Selon Obertone :
« L’homme s’est toujours battu, a toujours été agressif et violent, a toujours voulu le pouvoir. La femme a toujours séduit, intrigué et manipulé. »
« Soyez princesse », conseille-t-il aux femmes. Princesse au service de son prince. Ou « lionne » au service de son « lion ». Obertone adore la métaphore du « lion » pour désigner l’homme. Il dédie son livre à sa « lionne » et ses « lionceaux ». Avec le plus grand sérieux du monde, il affirme :
« L’égalité est une ambition de mouton. Un lion ne sait même pas qu’elle existe. Le but de votre vie, c’est de ne pas être égal. […] Un lion […] va exercer sa domination ou périr. Voilà la virilité intellectuelle. »
Aussi :
« Un homme doit se montrer affûté, dangereux, insoumis, prêt. »
L’idéologie masculiniste d’Obertone est truffée de contradictions. En voici une : si l’homme est naturellement et irrémédiablement ce qu’Obertone dit qu’il est, pourquoi se retrouve-t-il à devoir enjoindre aux hommes de faire d’immenses efforts en vue de correspondre à cet homme naturellement et irrémédiablement « lion » qu’il décrit ? Parce que l’homme naturellement et irrémédiablement « lion » qu’il décrit est une fable masculiniste. Le vernis scientifique qu’il tente d’appliquer dessus est grotesque. Quelques études isolées, plus ou moins insignifiantes, auxquelles il essaie bien souvent de faire dire ce qu’elles ne disent pas.
Intégralement gouvernés par nos gènes, « la mission biologique » de notre vie, à laquelle nous ne saurions nous soustraire, selon Obertone (qui déplore cependant amèrement que de plus en plus de gens s’y soustraient !), serait la reproduction. Toute femme doit tenter de devenir mère. L’avortement est une hérésie.
Les femmes sont (naturellement et irrémédiablement) vénales : « Les femmes visent un statut (du pouvoir), de bonnes perspectives financières (des ressources) ». Ainsi, « le grand âge du partenaire dérange moins ces dames ». Les femmes sont également « plus attirées par les hommes costauds et doués pour se battre ».
Les hommes doivent s’efforcer de « rouler dans une voiture de sport » car cela « augmente la testostérone » et donc renforce leur lionitude (leur ressemblance au lion) ; « ne roulez pas en Dacia, vous puez la défaite » (le type écrit ça sérieusement). « Dès l’enfance », l’homme est « porté sur la dominance ». C’est apparemment « ce qui a poussé certaines civilisations vers les sommets ». La domination masculine, c’est pourtant ce qui nous a menés dans la situation sociale et écologique présente qu’Obertone lui-même perçoit comme catastrophique. Peu importe, selon lui, « la virilité sauvera le monde ». Cherchez pas.
Sur le plan sexuel (comme sur les autres, en fait), la femme aurait naturellement « un goût certain pour la soumission », pour « se faire objet de jouissance ». L’objectification des femmes, c’est simplement leur faute. Leur nature.
Obertone minimise drastiquement les violences conjugales – les violences que les hommes exercent contre les femmes au sein du couple, du foyer. Sans aucune honte, il va jusqu’à affirmer que ces violences sont « consenties ».
Obertone méprise les pauvres, les personnes qui touchent des aides sociales, les « inadaptés » et autres « parasites ». Il n’a d’admiration et de respect que pour les lions capitalistes riches et puissants.
BREF. Je m’arrête ici, c’est suffisamment nauséabond. Ce livre est un immonde tissu de bêtises, de malhonnêtetés, de misogynie, de haine des pauvres, de prétentions risibles. Un hymne à la gloire de la domination et de la violence masculines, du capitalisme patriarcal.
P.S. : Il faudrait vraiment qu'ils laissent ces pauvres lions tranquilles. Aucun lion n'aurait jamais pondu un tel ramassis de débilités.
Salut, le déshonneur par association n'est pas nécessairement un sophisme. Quand l'association est réelle et déshonorante, c'est juste la vérité. Stern a tenu des propos raciste, nationalistes, véritablement d'extrême droite. Elle célèbre Julien Rochedy, applaudit Philippe de Villiers et Damien Rieu. J'en suis désolé, mais elle a rallié l'extrême droite.
Respect pour avoir pris le temps de lire ce que n’utiliserais même pas pour me torcher… j’ai le séant sensible ! Est-ce que l'étude fumeuse sur le choix de jouets des bébés singes mâles et femelles y est citée ?
Petite remarque concernant ton texte sur les autrices de Transmania : merci de ne pas faire de déshonneur par association comme passent leur temps à le faire les nazillons que sont devenus les prétendus adhérents à l’extrême gauche, ou plutôt la gauche radicale.
Ce livre a le mérite d’exister et si ça doit passer par la maison d’édition de l’infâme Obertone, tant pis.
Votre livre avec Audrey est excellent mais aucune maison d’édition n’accepterait de le publier et vous savez pourquoi. Ce qui compte selon moi est que le message soit diffusé au plus grand nombre, même si ça doit faire monter le nombre de personnes votants à (l’extrême) droite. La « gauche » d’aujourd’hui a trahi celles et ceux qu’elle est sensée représenter. C’est ainsi que seuls les médias de droite sont susceptibles de relayer des infos sur le culte TRA. C’est triste à pleurer mais la fin ne justifie-t-elle pas les moyens ?
ps : un débat diffusé sur YouTube, entre J. Bindel et H. Joyce traitait exactement de cette question : doit-on s’exprimer sur les supports de droite pour faire exister le débat ? Compte tenu de la censure et des menaces, il est pertinent d'y réfléchir.
Bien a vous deux 💜💜